N° 230 : Φλάβιος Ἱππιανός (Flavius Hippianus)

Datation : Deuxième moitié du IIe siècle après J.-C.
Cité : Thyatire

Présentation : 
Une inscription honorifique en l'honneur de C. Iulius Iulianus Tatianus, émanant des boulangers de Thyatire, nous fait connaître une famille de grands-prêtres civiques et provinciaux pendant quatre générations.
Les grands-parents de C. Iulius Iulianus Tatianus, Flavius Hippianus et Flavia Tatia, ont été grands-prêtres « à la suite de leurs ancêtres » (ἐκ προγόνων). Cette formule, distincte de celle qui marque une transmission héréditaire (διὰ γένους), se référe à une transmission de fait et a une valeur honorifique et non juridique. Cela dit, il devait y avoir un ou des grands-prêtres à la génération précédent celle de Flavius Hippianus et de Flavia Tatia ; C. Iulius Iulianus Tatianus est en effet dit « descendant de cinq grands-prêtres ».
À la génération suivante, Flavius Moschius, le fils de Flavius Hippianus et Flavia Tatia, a lui aussi été grand-prêtre civique. Certains auteurs ont considéré qu'il s'agissait du magistrat monétaire simplement désigné comme Moschos sous Septime Sévère, Caracalla et Géta (2)a. Les monnaies portent l'inscription suivante : « ἐπὶ στρ(ατηγοῦ) Μόσχου β᾽ ». Cela peut signifier « Moschos fils de Moschos », ou bien « Moschos, stratège pour la deuxième fois ». Cependant, dans ce cas, il serait plus habituel d'écrire : « στρατηγοῦ Μόσχου τὸ β᾽ ». L'identification entre Flavius Moschius et le stratège Moschos nous paraît donc peut probable, d'autant plus que les autres critères de datation pour la famille orientent plutôt vers la deuxième moitié du IIe siècle (voir ci-dessous).
Le fils de Flavius Moschius est l'asiarque C. Iulius Hippianus. La reprise du cognomen du grand-père est tout à fait habituelle, mais le changement de nomen très surprenant. Comment le fils d'un Flavius peut-il être un Iulius ? La seule explication possible est une adoption qui ne soit pas mentionnée dans la généalogie de la famille, pourtant relativement détaillée dans l'inscription. P. Herrmann, dans les TAM, suppose un mariage entre Flavius Moschius et Iulia Iulianè. Si cette hypothèse est correcte, C. Iulius Hippianus a pu être adopté par un oncle maternel.
C. Iulius Hippianus n'est pas attesté comme grand-prêtre civique, mais uniquement comme asiarque, de même que sa femme Cornelia Secunda. Il est possible qu'ils aient occupé un sacerdoce municipal, si l'on prend à la lettre la formule « descendant de cinq archiereis », mais l'inscription ne le précise pas. Les cinq générations de grands-prêtres sont plus probablement indistinctement des grands-prêtres civiques ou provinciaux. En revanche, à la génération suivante – la quatrième – le dédicataire de l'inscription des boulangers, C. Iulius Iulianus Tatianus, est grand-prêtre civique à vie. Or, il semble que les responsables de cette inscription soient encore pérégrins (1, l. 23-25) ; C. Iulius Iulianus Tatianus doit avoir vécu au début du IIIe siècle, juste avant la constitution de Caracalla. Les premiers personnages connus de la famille, Flavius Hippianus et Flavia Tatia, auraient ainsi vécu vers le milieu du IIe siècleb.
C. Iulius Iulianus Tatianus, outre ses sacerdoces des empereurs civique et provincial et une agonothésie, a exercé deux fonctions au caractère économique très marqué : il a été triteutès et agoranomec. C'est sans doute pour cette raison que les boulangers de la cité lui érigent un bomos, un autel funéraire. Bien que cela ne soit pas précisé, C. Iulius Iulianus Tatianus était peut-être patron de l'association des boulangers, qui lui rendent à ce titre un culte funéraired.
Par ailleurs, C. Iulius Iulianus Tatianus a mené une ambassade saluée comme « positive » dans le texte de l'inscription (κατορθωσάμενον)e. Cette ambassade est peut-être à lier au titre de fondateur, oikistes, porté par notre personnagef. Selon J. Strubbe, il pourrait s'agir d'une ambassade sous Caracalla, à la suite de laquelle Thyatire serait devenue centre de conventus. Mais A. Heller a montré que cette hypothèse est en contradiction avec une inscription (IGR 4, 1249) où l'on apprend que Thyatire est devenue centre de conventus lors d'un passage de Caracalla dans la cité, et non à l'occasion d'une ambassadeg. C. Iulius Iulianus Tatianus a dû obtenir pour la cité un autre privilège important à la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle.
Sources : 
1/ TAM V 2, 966 (IGR 4, 1244)
ἀγαθῆι τύχηι. | Oἱ ἀρτοκόποι ἐτείμησαν καὶ | ἀνέθηκαν ἐκ τῶν ἰδίων Γ. | Ἰούλιον Ἰουλιανὸν Τατια|νὸν ἀγωνοθέτην καὶ | ἀσιάχην καὶ ἀρχιερέα διὰ | βίου, τριτεύσαντα καὶ ἀγορα|νομήσαντα κατὰ τὸ(ν) αὐτὸν ἐνι|αυτὸν καὶ πρεσβεύσαντα πρὸς | τὸν Aὐτοκράτορα προῖκα καὶ κα|τορθωσάμενον τὰ μέγιστα τῇ | πατρίδι, υἱὸν Γ. Ἰουλίου Ἱππι|ανοῦ καὶ Κορνηλίας Σεκούν|δης ἀρχιερέων τῆς Ἀσίας, ἔκ|γονον Φλα(βίου) Μοσχίου ἀρχιερέως, | ἀπόγονον Φλαβίων Ἱππιανοῦ | καὶ Τατίας ἀρχιερέων ἐκ προγό|νων, κοσμοῦντα καὶ γένει καὶ | ἔργοις καὶ φιλοτειμίαις ἐν παν|τὶ καιρῷ καὶ οἰκιστὴν τῆς πό|λεως. | Ἐπιμεληθέντος τοῦ ἀ(ν)δριάν|τος Λεσβίου Φιλώτου καὶ ἀ|ναστήσαντος τὸν βωμὸν ἐκ τῶν | ἰδίων μετὰ Ἀσκληπι[αδ]οῦ τοῦ | υἱοῦ.
2/ TAM V 2, 967 (IGR 4, 1245)
Ἀγαθῆι τύχηι. | Ταβειρηνοὶ ἐτείμησαν | καὶ ἀνέθ̣η̣καν ἐκ τῶν ἰ|δίων Γ. Ἰο[ύλι]ον Ἰουλιανὸν | Τατιανὸν [ἀσιά]ρχην ἀγω|νοθέτ[ην ---]

Bibliographie : 
Rossner 1974 p. 132 ; Strubbe 1984 p. 295-296 ; Campanile 1994 p. 136-7.

Notes : 
a Imhoof-Blumer, Lyd. Stadtm. 158, 27 ; BMC Lydia CXXIV n. 3. L'hypothèse est de Böckh. P. Herrmann, dans les TAM, se montre prudent : « fortasse Moschou scribendum Böckh, qui refert ad nommos ». Mais, dans son stemma de la famille, il écrit Mosch(i)us.
b Pour cette raison, nous écartons l'identification entre C. Iulius Iulianus Tatianus et un autre Iulius Iulianus sur une inscription de l'époque de Caracalla (TAM V 2, 1017).
c La fonction de triteutès doit être liée à des distributions de blé, gratuitement ou à prix réduit, « τριτεύς » signifiant un tiers de médimne.
d Robert 1974, loc. cit. À Thyatire, on trouve plusieurs bomoi érigés par la famille du défunt (TAM V 2, 1048, 1082, 1101, 1107, 1116, etc.) ou par une association cultuelle (TAM V 2, 1055).
e Le terme a ici le sens d' « accomplir avec succès ». Cf. C. P. Jones, Chiron 13 (1993) p. 371, et T. Drew-Bear, BCH 96 (1972) p. 459 n. 161.
f Sur ce terme, voir notamment L. Robert, Bull. 1974, 404 et Cl. Phil. 81 (1977) p. 11 n. 45.
g Strubbe 1984 p. 296 ; Heller 2006 p. 128 n. 14.
h Cette inscription est la seule attestion des Tabeirenoi. Il s'agit sûrement des habitants d'une communauté rurale dépendant de Thyatire.

Mis à jour le 20/05/2010